Déclaration écossaise sur le Libre Accès
La Déclaration sur le Libre Accès a été présentée lors du séminaire du 11 octobre 2004 qui s’est tenu à la Société Royale d’Edimbourg. Les auteurs de cette déclaration émettent le voeu que de nombreuses institutions écossaises – gouvernement, agences de financement de la recherche et de l’enseignement supérieur, universités, organismes de recherche – la signent et prennent ainsi fait et cause pour le mouvement du libre accès.
« Nous sommes convaincus que l’adoption rapide du libre accès à la littérature scientifique ne pourra que servir les intérêts de l’Ecosse ».
Avant-propos . Une dissémination organisée, universelle et en temps voulu des progrès de la recherche scientifique et des politiques la concernant est absolument essentielle pour le bon fonctionnement de la société moderne, en termes de sensibilisation et de responsabilisation de la communauté, de progrès économique, et de fonctionnement optimal des services de santé, des systèmes éducatifs et autres services essentiels. Pour l’Ecosse, cela signifie non seulement avoir accès aux résultats de la recherche mondiale, mais aussi faire connaître au monde entier les travaux de nos chercheurs.
La situation actuelle . Il n’y a encore pas si longtemps, le système actuel de la communication scientifique et de la dissémination des résultats de la recherche fonctionnait bien pour la société, les sociétés savantes, les universités et les chercheurs eux-mêmes, compte tenu des limitations de l’édition papier. Ces limitations sont dues non seulement aux limites du support papier pour présenter les travaux de la recherche, mais aussi au prix élevé des abonnements annuels et aux augmentations de prix bien supérieures au taux d’inflation dans certaines disciplines qui viennent fausser le système de l’édition « traditionnelle » pour les revues scientifiques en réduisant la disponibilité des revues dans toutes les disciplines, souvent au détriment des petites sociétés savantes.
Le modèle des abonnements est de plus en plus mis à rude épreuve, et nous pensons que ce système n’est plus le meilleur moyen de disséminer les résultats essentiels de la recherche auprès de tous les intéressés, qu’ils se trouvent au sein de nos grands établissements de recherche ou d’une communauté plus large. Dans ce système, par définition, l’accès à la recherche de pointe se trouve limité aux articles publiés dans des revues appropriées auxquelles seule une poignée de bibliothèques institutionnelles sont abonnées. Pourtant, l’arrivée des contenus numériques et du Web pourrait rendre ce système obsolète et on commence aujourd’hui à prendre la mesure de la toute puissance de la mise en réseau des contenus numériques qui pourrait bien transformer le système au profit de la recherche et de la diffusion du savoir. Le programme de mise en commun de la recherche en Ecosse est subordonné à un accès plus large aux travaux de la recherche, pour répondre à un objectif d’optimisation du potentiel de la recherche écossaise.
De nouvelles options ont été mises au point ces dernières années, qui pourraient lever les restrictions d’accès et rendre la littérature scientifique accessible en ligne pour tous. Ces options sont regroupées sous la bannière du Libre Accès qui a été défini comme étant « la libre disponibilité sur l’Internet public, permettant à tous les utilisateurs de lire, télécharger, copier, distribuer, imprimer, interroger des articles et d’établir des liens vers le texte intégral de ces derniers, d’utiliser des robots pour les indexer et d’en importer les données dans un logiciel, ou de les utiliser à toutes fins licites, sans aucun obstacle financier, légal ou technique autre que ceux relatifs à l’obtention d’un accès à l’Internet » [1].
Le Libre Accès . Cette vision d’un libre accès à la littérature scientifique a suscité un vif intérêt auprès des agences de financement de la recherche, des organisations nationales et internationales, et nous voulons suivre l’exemple des pays d’une taille comparable au nôtre en Scandinavie et ailleurs, et saisir les opportunités qui s’offrent à nous aujourd’hui. D’autres initiatives dans ce domaine se mettent en place à travers le monde : à titre d’exemple, la commission parlementaire sur la science et la technologie de la Chambre des communes britannique a émis récemment un rapport en faveur des initiatives actuelles [2][3][4][5]. Nous sommes convaincus que l’adoption rapide du libre accès permettra de mieux servir les intérêts de l’Ecosse, pour le plus grand bien économique, social et culturel de la population dans son ensemble, et de conserver l’excellente réputation dont bénéficie depuis longtemps la recherche au sein des universités et des organismes de recherche écossais.
Il y a deux grandes manières de concrétiser le libre accès, et nous souhaitons apporter notre soutien à l’une et à l’autre. Le nombre de revues en libre accès n’a fait qu’augmenter au cours de ces dernières années, certains éditeurs proposant toutes leurs revues en libre accès alors que d’autres ne proposent que certains de leurs titres de revues. Il est évident que les coûts de l’édition en ligne restent importants, notamment ceux de la mise en place des fonctions essentielles de l’évaluation par les pairs, mais, avec les revues en libre accès, ces coûts sont couverts par des droits de publication plutôt que par des abonnements (avec les dispenses adéquates accordées à ceux qui ne peuvent pas payer pour toutes sortes de raisons, comme les difficultés financières auxquelles doivent faire face les chercheurs des pays en développement).
La deuxième manière concerne ce qu’on a coutume d’appeler « l’auto-archivage » selon lequel les auteurs déposent, dans une archive institutionnelle ou thématique, un exemplaire électronique de la version finale et évaluée par les pairs de leurs articles : des logiciels appropriés, conformes aux normes des archives ouvertes et encourageant l’interopérabilité, permettent d’interroger l’ensemble de ces archives et de retrouver des articles pertinents dans des archives éparpillées à travers le monde. Certaines archives thématiques (comme par exemple en physique des hautes énergies [6]) existent déjà depuis quelques années. En Ecosse, plusieurs universités ont déjà mis en place des archives institutionnelles (incluant des thèses, des rapports internes, des actes de congrès, etc., ainsi que des articles de revues), et des projets sont en cours pour permettre aux autres organismes de recherche écossais de déposer leurs propres travaux de recherche dans des archives appropriées. Il faut mentionner que de plus en plus d’éditeurs, mais pas tous, ont déjà autorisé expressément l’auto-archivage de la version finale d’un article.
Conclusion . Il est de plus en plus évident que le libre accès renforce la portée et l’impact de la recherche. Un plus grand nombre de personnes peut visualiser et lire les articles en libre accès, et elles le font ; de plus, certaines données indiquent que ces articles sont cités plus souvent et plus tôt que les articles qui ne sont pas disponibles en libre accès.[7]
L’édition en libre accès est donc un moyen plus rationnel sur le plan économique de diffuser les résultats de la recherche financée sur fonds publics que le système actuel selon lequel les deniers publics servent à payer des entités extérieures afin de disposer d’un accès restreint à ces mêmes résultats de la recherche. Au vu de ces développements, et compte tenu des bénéfices considérables pour l’Ecosse en termes d’impact, d’avantages concurrentiels et de rendement des capitaux publics investis si le libre accès à notre recherche pouvait être mis en place rapidement, nous ferons de notre mieux pour assurer que la recherche réalisée en Ecosse soit publiée dans un format en libre accès, tout en étant conscients qu’une phase de transition puisse être nécessaire dans certains domaines.
Action . Les signataires de la présente déclaration cautionnent les principes généraux du libre accès et s’engagent à mettre en place, dans la mesure du possible, les actions suivantes, assurant ainsi un engagement national en faveur d’un accès le plus libre et le plus complet possible à l’information scientifique :
Les bailleurs de fonds de la recherche
– demandent qu’une condition de l’attribution des subventions soit que les publications découlant des recherches subventionnées soient disponibles en libre accès par le biais de l’auto-archivage dans une archive appropriée.
– affecteront des fonds, dans les subventions, au paiement des droits de publication afin de faciliter, le cas échéant, la publication dans une revue en libre accès.
– encourageront les éditeurs scientifiques traditionnels à proposer des voies d’édition en libre accès à des prix raisonnables.
Les universités / organismes de recherche
– mettront en place des archives institutionnelles et/ou travailleront en collaboration avec d’autres organismes afin d’établir une archive commune.
– encourageront les chercheurs à déposer des copies de leur travaux (articles, rapports, communications, etc.) dans une archive institutionnelle ou commune, et rendront ce dépôt obligatoire dès qu’une telle pratique sera faisable.
– encourageront le dépôt des thèses de doctorat dans une archive institutionnelle et rendront ce dépôt obligatoire dès qu’une telle pratique sera faisable.
– étudieront les politiques de propriété intellectuelle afin de s’assurer que les chercheurs ont le droit et le devoir de fournir une version en libre accès de leurs travaux.
Le Conseil de financement de l’enseignement supérieur de l’Ecosse (SHEFC)
– développera des politiques sectorielles dans ce domaine.
– prendra en compte les questions du libre accès dans le déroulement de son programme de mutualisation des ressources de la recherche.
Le gouvernement écossais
– reconnaîtra les bénéfices que la société dans son ensemble peut retirer d’un large accès au savoir.
– cautionnera la mise en place du libre accès dans le cadre d’initiatives plus large comme Smart, Successful ScotlandNdT and OpenscotlandNdT.
– jouera un rôle déterminant dans la promotion du libre accès en collaboration avec les autres gouvernements nationaux.
11 octobre 2004
Notes
1. Budapest Open Access Initiative, février 2002
2. Berlin Declaration of Open Access to Knowledge in the Sciences and Humanities, octobre 2003 – signée par des organismes de recherche allemands ainsi que par ceux d’autres pays européens.
3. Bethesda Statement on Open Access Publishing, avril 2003 – signée par un certain nombre de sociétés savantes américaines
4. Scientific publishing: a position statement by the WellcomeTrust in support of open access publishing, septembre 2003
5. House of Commons. Science and Technology Select Committee. Scientific Publishing:Free for All? Tenth Report of Session 2003-04. Volume 1: Report
7. Voir, par exemple, Hitchcock, S. et al ‘The impact of OAI-based search on access to research journal papers’, Serials Vol 16, No 3, November 2003, 255-260
Notes du traducteur
1. Smart, Successful Scotland [Pour une Ecosse intelligente et prospère] : programme de stratégie nationale pour le développement économique de l’Ecosse
2. Open Scotland : programme visant à améliorer, par le biais des NTIC, la qualité et l’accès des services publics pour les citoyens