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La création de ce consortium européen, de ce réseau, est une préfiguration de l’évolution de la publication scientifique dans les années à venir

Publié le 17 septembre 2008

Jean Kempf, directeur des Presses universitaires de Lyon (PUL), présente le projet européen, Open Access Publishing in European Network (OAPEN). Six pays européens sont partie prenante d’OAPEN dont la France par la participation des PUL. Cinq autres presses universitaires et deux universités pour la technologie et la recherche représentent l’Allemagne, le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Italie et les Pays-Bas. Pour une partie de ce projet, les Presses universitaires de Lyon bénéficient du soutien du CNRS via le TGE Adonis.


Question : La réunion de lancement du projet Open Access Publishing in European Network (OAPEN) a eu lieu début septembre. Pouvez-vous nous rappeler les idées qui sont à l’origine de ce projet financé par la Commission européenne, les valeurs partagées par les différents partenaires (1) ?

kempf_2.jpgJean Kempf : OAPEN est spécifiquement un projet d’éditeurs scientifiques de taille moyenne concernant l’édition de monographies (« livres ») en sciences humaines et sociales. La création de ce consortium européen, de ce réseau, est une préfiguration de l’évolution de la publication scientifique dans les années à venir, à savoir un usage de plus en plus fondamental du numérique. Pourtant, il s’agit bien de garder à l’éditeur son rôle de véritable « producteur » (comme pour le cinéma) : il va au devant du projet, participe à son façonnage intellectuel, s’assure de sa validation scientifique. Bien entendu, il est également acteur de la valorisation technique du « produit » et vendeur.

Le projet est financé, pour une durée de trois ans, dans le cadre du programme eContentplus, une des conditions ayant été l’adoption du modèle du Libre Accès pour la version numérique qui sera mise à disposition sur la plate-forme.

Q. : Pouvez-vous nous préciser les objectifs du projet, quels sont les principaux résultats attendus ?

J.K. : OAPEN n’est pas uniquement un projet de diffusion, car dans ce cas il suffirait de transformer la version papier en PDF, mais d’édition numérique. L’objectif technique du projet est de réaliser, à partir de l’existant, une plate-forme évolutive d’édition qui sera disponible en open source. Il est envisagé de la proposer en tant que prestataire de service d’édition, comme le fait revues.org (2) pour les revues par exemple. L’objectif est également de proposer un catalogue de monographies. Ce dernier sera amorcé par une sélection réalisée par chacun des partenaires dans sa propre collection. Des critères de qualité et d’intérêt scientifique permettront à OAPEN d’être une sorte de label.

Q. : En quoi cette offre d’ouvrages scientifiques en sciences humaines et sociales répond-elle aux besoins des chercheurs ?

J.K. : La forme numérique existe en complément de la forme papier qui restera la version de référence. La forme numérique autorise un premier contact, permet le butinage et l’accès direct à la source de la citation – dans les autres travaux de recherche numériques. Elle autorise des manipulations et des recherches particulières et répond en ce sens à des besoins supplémentaires. L’éditeur évolue vers un nouveau rôle, celui de communicateur, de médiateur de la recherche qui autorise, à partir d’une version stabilisée, la création d’une communauté.

Q. : Comment l’offre d’OAPEN va-t-elle s’articuler avec les initiatives de bibliothèques numériques comme Gallica ou Europeana ?

J.K. : Un projet comme OAPEN n’a pas vocation à garantir la préservation à long terme ; seules de grandes bibliothèques et naturellement les bibliothèques nationales ont les capacités pour rendre ce service. Le rôle du projet est principalement d’assurer la visibilité des ouvrages et pour ce faire rien n’est exclu en termes d’offre de contenu. Sa dimension européenne fait qu’un lien avec le projet de bibliothèque numérique Europeana (3) paraitrait normal. Le projet de méta-portail en sciences humaines et sociales initié par le TGE Adonis semble également un vecteur naturel comme tout service dont les thématiques recoupent celles d’OAPEN. Les choix techniques de structuration des éléments, d’interopérabilité devraient permettre une présence dans de multiples bouquets.

Par ailleurs, sa dimension européenne crée une difficulté supplémentaire : les ouvrages sont écrits dans des langues différentes. C’est un problème ardu qui ne sera abordé, pour le moment, qu’au travers des fonctionnalités de recherche. Il est envisagé de produire des ouvrages en plusieurs langues. De manière générale, la traduction manque souvent de soutien financier public, malgré les déclarations réitérées du multilinguisme européen.

Q. : Le Libre Accès est un enjeu important de ce projet. Quel(s) type(s) de modèle(s) économique(s) envisagez-vous pour la pérennité d’un tel service ?

J.K. : Dans ce projet, il s’agit, pour les éditeurs, d’exercer le même métier mais avec de nouveaux modèles économiques. Le projet est un cadre idéal pour étudier la viabilité des différents modes de financement – déjà utilisés dans les initiatives qui proposent un accès libre – et leurs combinaisons possibles. Il peut s’agir d’un paiement par le producteur, ce qui existe déjà lorsqu’un auteur dispose d’un financement particulier. On peut également concevoir un investissement plus global de la part des bibliothèques universitaires qui deviennent des sortes de sponsors et voient leur rôle évoluer. En complément, les versions papiers restent payantes et l’on peut envisager des retombées indirectes provenant de prestations de service d’édition.

Q. : De manière générale, le droit d’auteur est souvent présenté comme un obstacle au développement du Libre Accès, quel est votre opinion sur ce sujet ?

J.K. : Si l’on considère le droit patrimonial, il est de toute façon faible sur les objets de recherche et pour le droit moral, il n’y a aucun changement. Le retour sur investissement, pour l’auteur, n’est pas d’ordre pécuniaire, il s’agit de notoriété, de reconnaissance. Les outils comme les licences Creative Commons sont en fait une adaptation de ce qui existe en pratique.

Le projet OAPEN se propose d’étudier ce qui peut être adopté dans le cas des monographies qui seront proposées.


(1) Les Presses universitaires d’Amsterdam et l’université de Leyde (Pays-Bas), l’université Georg-August de Göttingen et les Presses universitaires de Göttingen (Allemagne), les Presses Museum Tusculanum de l’université de Copenhague, (Danemark), les Presses universitaires de Manchester (Royaume-Uni), les Presses Universitaires de Lyon (France) et les Presses universitaires de Florence (Italie).

(2) http://www.revues.org

(3) http://www.europeana.eu

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