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Le fait que le modèle d’accès diffère ne change en rien le système de validation des travaux

Publié le 23 février 2005

Chercheur au laboratoire « Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques » de l’Ecole Normale Supérieure (UMR 7625), Michel Loreau enseigne également l’écologie à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6). Récemment récompensé pour ses travaux de recherche par la Médaille d’argent du CNRS, il est aussi membre du comité éditorial de PLoS Biology, revue en libre accès qui, depuis son lancement en 2003, fait figure de référence.


loreau_250.jpgQuestion : Quel était votre regard sur les initiatives autour de la création de revues librement accessibles avant de devenir vous-même membre du comité éditorial de PLoS Biology ?

Michel Loreau : A vrai dire, je n’étais pas entièrement convaincu de la pertinence du modèle avant d’entrer au comité éditorial de PLoS Biology. Mon inquiétude portait essentiellement sur le modèle auteur/payeur qui, selon moi, pouvait constituer une entrave à la publication pour nombre de collègues, principalement pour ceux qui travaillent dans des pays en développement. Mais je me suis laissé convaincre. D’abord parce que des subventions existent pour les chercheurs dont l’organisme ne peut, faute de moyens, financer la publication des travaux.
Mais aussi parce que si l’on observe d’un peu plus près le système actuel de la publication scientifique, on s’aperçoit finalement que nous sommes souvent contraints de payer deux fois la même information. Le modèle PLoS, où le coût intervient lors de la publication mais où l’accès demeure gratuit, me paraît donc à cet égard bien plus satisfaisant.

Q. : Outre le modèle, aviez-vous également des interrogations quant au système de validation des travaux, comme cela semble être le cas pour certains de vos collègues ?

M. L. : La question me paraît surprenante. Il a toujours été évident que les mêmes critères prévalaient chez PLoS qu’au sein de toute publication scientifique où l’évaluation restait basée sur une validation par les pairs. Le fait que le modèle d’accès diffère ne change en rien le système de validation des travaux.

Q. : Et qu’en est-il selon vous de la visibilité des résultats publiés, visibilité qui dépend essentiellement du facteur d’impact de la revue ?

M.L : Lorsque je suis entré au Comité National en 1995, j’étais parmi ceux qui insistaient pour une prise en compte du facteur d’impact dans l’évaluation des travaux de recherche, et ce pour une plus grande objectivité dans l’appréciation. Mais le facteur d’impact ne peut jamais être le seul et unique critère d’évaluation de la recherche.
Il est vrai que pour les revues en libre accès – mais le phénomène est identique pour toute revue nouvellement créée – l’absence de facteur d’impact peut poser problème au niveau de l’évaluation et n’incite donc pas les chercheurs à y soumettre leur contribution. Mais celui-ci n’est que temporaire, de l’ordre de trois à quatre ans. Pour citer un exemple, quatre ans après le lancement d’Ecology Letters (copublié par Blackwell et le CNRS), lancement auquel j’ai participé, cette revue figure aujourd’hui parmi celles ayant le plus d’impact auprès de notre communauté.
Par ailleurs, le facteur d’impact n’est pas le seul et unique critère d’évaluation de la recherche. Je comprends malgré tout que ce problème puisse jouer au départ, notamment pour les doctorants et jeunes chercheurs dont l’évaluation conditionne l’obtention de postes. Il est très important pour eux d’être visibles, et cette visibilité passe essentiellement par leurs publications.

Q. : Comment voyez-vous aujourd’hui l’évolution de la publication scientifique en France ?

M.L. : De manière générale, je trouve que la situation reste difficile en France pour l’accès aux publications électroniques, qu’elles soient en libre accès ou non. Récemment encore, nous ne disposions pas d’accès centralisé aux revues électroniques. Il y a là un réel problème, surtout en comparaison de la situation de nos collègues anglais, canadiens ou encore américains. Il paraît essentiel que ce type d’accès à l’information scientifique se généralise.
De façon similaire, il me semble que dans le contexte actuel, des mesures devraient être prises pour soutenir la publication scientifique, particulièrement pour les revues souhaitant adopter le nouveau modèle de l’accès libre.

Q. : Sensibilisez-vous vos collègues à la question du libre accès ?

M.L : En entrant au comité éditorial, j’ai fait beaucoup de publicité autour de moi, principalement bien sûr auprès de mes collègues que j’encourageais à publier dans PLoS Biology. Mais cela demande du temps. En outre, il existe un problème spécifique à notre discipline, l’écologie, qui est encore peu présente dans la revue par rapport à la biologie et aux disciplines connexes. Mais, là encore, je pense que cela n’est qu’une question de temps.

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