Libre accès à l'information scientifique et technique
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Point sur les politiques en faveur du Libre Accès

Publié le 7 mai 2015  par Thérèse Hameau

Le mouvement du Libre accès entre dans une phase de maturité, avec l’instauration croissante de politiques en sa faveur. Leur mise en œuvre peut se faire à un niveau fédéral, transnational, national et institutionnel. Il peut s’agir de lois, d’obligations ou d’incitations vis-à-vis des chercheurs dont les recherches sont financées par des fonds publics.

Si la voie verte, c’est-à-dire le dépôt dans des archives ouvertes, est omniprésente dans les politiques, la voie dorée, publication dans une revue en libre accès, n’est pas oubliée.

Cet article n’a pas vocation à être exhaustif, mais fournit des illustrations sur les différents niveaux d’injonction en faveur du Libre accès aux résultats de recherche.

Lois

Allemagne (2013) : la loi allemande du droit d’auteur, initiée par le ministère de la Justice, a introduit un « droit d’exploitation secondaire » (Zweitverwertungsrecht). Celui-ci donne aux chercheurs le droit de rendre accessible la version acceptée par l’éditeur d’un article publié dans une revue – paraissant au moins deux fois par an — après un délai de 12 mois, pour un usage non commercial. Sont concernés les articles de chercheurs « fonctionnaires » des institutions non universitaires (Max-Planck-Gesellschaft, Helmholtz-Gemeinschaft…) et les articles issus de recherches financées au moins pour moitié par des ressources publiques.

Argentine (2013)loi initiée par le ministère de la Science, Technologie et Innovation portant sur la création d’archives ouvertes numériques et institutionnelles. Les institutions de recherche, qui composent le Système national de la Science, la Technologie et l’Innovation (SNCTI) et qui sont financées par l’État, sont tenues de créer des réservoirs institutionnels, dans lesquels seront déposés les résultats de recherches financées par des fonds publics (articles, thèses, rapports techniques et données de recherche). Les chercheurs, enseignants, postdoctorants et étudiants en maîtrise et doctorat doivent déposer leurs publications dans un délai maximum de 6 mois. L’accès doit en être libre et gratuit. Par ailleurs, ils doivent déposer les données primaires dans des réservoirs et dans un délai maximum de cinq ans après leur production.

Espagne (2011) loi sur la Science, la Technologie et l’Innovation, article 37. Il est demandé aux chercheurs dont les recherches sont principalement financées par le gouvernement de déposer une copie de la version finale de l’article, le plus rapidement possible – sans dépasser 12 mois après la publication – dans une archive institutionnelle ou thématique.

États-Unis (mars 2015) — une proposition de loi « Fair Access to Science and Technology Research Act of 2015 » (FASTR), émanant du Sénat et de la Chambre des représentants. Cette loi demande à ce que les agences fédérales, dont le budget annuel est supérieur à 100 millions de dollars, développent une politique de Libre accès à la recherche. Celle-ci impose aux auteurs, employés par les agences ou dont les recherches sont financées en tout ou partie par ces agences, de déposer leurs articles, évalués par les pairs, dans des archives ouvertes. Ceux-ci devront être accessibles au plus tard 6 mois après leur publication. Leur préservation à long terme ainsi que l’accès libre doivent être assurés.

Italie (2013)loi relative à la valorisation de la culture, article 4. Les chercheurs, dont les recherches sont au moins financées pour moitié par des fonds publics, doivent soit publier leurs travaux dans des revues en libre accès soit déposer le manuscrit final dans une archive institutionnelle ou thématique dans les 18 mois pour les domaines STM et 24 mois pour les SHS, suivant la date de publication.

Royaume-Uni (2014)amendement à la loi sur le droit d’auteur. L’exception pour Text and Data Mining (TDM) est introduite dans la loi : les chercheurs sont autorisés à faire des copies de tous les travaux pour lesquels ils ont déjà un accès légal, à des fins de TDM et pour des usages non commerciaux.

Obligations nationales

[bleu]Australie[/bleu]

L’Australian Research Council (2013) a institué une obligation de dépôt pour toute publication résultant de recherche financée par l’ARC – manuscrit final ou version éditeur – dans une archive institutionnelle, dans les 12 mois suivants la date de publication. Les métadonnées doivent être déposées dès l’acceptation de l’article pour publication.

[bleu]Canada[/bleu]

Pour les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) (février 2015 ), les chercheurs doivent s’assurer que les articles, évalués par les pairs, découlant de recherches financées par un de ces organismes, sont accessibles gratuitement dans les 12 mois qui suivent leur publication. Ils peuvent soit verser leur manuscrit final et évalué par des pairs dans un dépôt institutionnel ou disciplinaire soit publier dans une revue en libre accès. Mais, même s’ils choisissent la seconde voie, les chercheurs sont fortement encouragés à déposer, immédiatement après sa publication, une copie du manuscrit final. Si l’éditeur demande des frais (Article Processing Charges – APC), ceux-ci sont admissibles pour une prise en charge. Pour ces organismes, il « incombe aux titulaires d’une subvention de déterminer quels éditeurs autorisent les auteurs à conserver les droits d’auteur ou à archiver des articles publiés en conformité avec les politiques de l’organisme ». Pour les données de la recherche, seuls les IRSC obligent le dépôt des données liées aux publications. Ainsi, les chercheurs doivent archiver les coordonnées bio-informatiques, atomiques et moléculaires dans les bases de données publiques appropriées et conserver les ensembles de données (publiées ou non) originaux pendant au moins 5 ans après la fin de la période de validité de la subvention.

Le texte

[bleu]États-Unis[/bleu]

L’Office of Science and Technology Policy – OSTP, dans un mémorandum de février 2013, donne pour consigne à chaque agence fédérale, consacrant un budget annuel supérieur à 100 millions de dollars à des opérations de recherche et de développement, d’élaborer un plan qui favorise un accès accru pour le public aux recherches financées par le gouvernement fédéral – publications validées par les pairs, métadonnées et données de la recherche accompagnées d’un plan de gestion. Il donne des indications précises sur le contenu des politiques devant être mis en place en ce qui concerne : la recherche, l’accessibilité (lecture et déchargement), la réutilisation (analyse), l’archivage, l’interopérabilité, la conservation et le financement. La durée de l’embargo, après le dépôt de la publication dans une archive ouverte, ne doit pas excéder 12 mois. Par ailleurs, l’OSTP indique qu’il est primordial que les services fournis par les éditeurs continuent à être rendus, notamment la coordination du système de validation par des pairs.

Traduction française du mémorandum

Les National Institutes of Health (février 2015 ) exigent des chercheurs, dont les recherches sont financées par les NIH ou qui sont employés par les NIH, de déposer leurs articles évalués par les pairs, manuscrit final ou version éditeur, dans PubMed Central, dès acceptation pour publication. L’accès doit être effectif dans un délai maximum de 12 mois après la date de publication. Leur conservation à long terme doit être garantie. La poursuite des financements est liée au suivi de la politique de dépôt des articles par les chercheurs.

La National Science Foundation (mars 2015) exige des chercheurs qu’ils déposent le manuscrit final ou la version éditeur de l’article ou de l’acte de congrès, avec leurs métadonnées, dans une archive ouverte, qui sera indiquée par la NSF. La période d’embargo ne doit pas dépasser 12 mois après la date de publication. Les publications doivent pouvoir être téléchargeables, lues et analysées gratuitement. Leur conservation à long terme doit être garantie. Pour les données, le dépôt doit être associé à un plan de gestion des données (Data Management Plan). Les chercheurs pourront demander à l’agence la prise en charge financière de certaines activités liées à la publication ou au dépôt.

[bleu]Inde[/bleu]

Le Department of Biotechnology – DBT et le Department of Science and Technology – DST (décembre 2014) exigent des chercheurs et des institutions, bénéficiant pour leurs recherches des fonds provenant en partie ou totalement de ces deux structures, de déposer le manuscrit final dans l’archive institutionnelle de leur institution ou dans celle du ministère « Science-Central », ainsi que les métadonnées et les supplementary materials. Le dépôt doit avoir lieu, au plus tard dans les deux semaines qui suivent l’acceptation par la revue. Si l’éditeur impose un embargo, celui-ci ne doit pas dépasser 6 mois pour les STM et 12 mois pour les SHS. Il est également recommandé aux chercheurs de déposer leurs publications antérieures à 2012, indépendamment de la provenance des financements.

[bleu]Royaume-Uni[/bleu]

Le Higher Education Funding Council for England – HEFCE (2014) a mis en place une politique qui touche les articles de revues et les actes de congrès ayant un ISSN. Le dépôt du manuscrit final est obligatoire dans une archive institutionnelle ou thématique. Seuls les documents déposés sont éligibles pour être évalués dans le cadre du post-2014 Research Excellence Framework (REF). Ils doivent être disponibles, permettre la lecture et le déchargement. Les archives doivent respecter la durée d’embargo de la revue. Le HEFCE conseille aux institutions de l’enseignement supérieur d’instaurer des procédures, en cohérence avec cette politique, qui combinent la publication dans des revues en libre accès et le dépôt dans des archives ouvertes.

Les Research Councils UK – RCUK (2013) ont mis à jour leur politique à la suite des demandes du ministre des Universités et de la Science pour protéger l’industrie de l’édition scientifique britannique, exportatrice. Ils privilégient la publication dans des revues en libre accès — pour son immédiateté, l’absence de restriction, l’accès en ligne gratuit — mais n’excluent pas le dépôt dans une archive de la version acceptée pour publication après évaluation. Sont concernés les articles évalués par les pairs résultants de recherches financées par les conseils. Pour ces derniers, le libre accès doit être gratuit et permettre la lecture, le déchargement et la réutilisation, dont le Text and Data Mining (TDM). Les frais demandés par les éditeurs (Article Processing Charges – APC) sont pris en charge. La période d’embargo ne doit pas dépasser 6 mois pour les domaines STM et 12 mois pour les domaines SHS. La licence attachée aux articles publiés dans des revues en libre accès doit être une licence CC-BY.

Le Wellcome Trust (2013) exige le dépôt du manuscrit final des articles de recherche, évalués par les pairs, issus de recherches financées en tout ou partie par le WT ou dans le cas où le chercheur reçoit une rétribution financière du WT. Le dépôt, dans PubMed Central (PMC) et Europe PMC, doit avoir lieu le plus tôt possible et au plus tard 6 mois après la date de publication. Si la revue dans laquelle le chercheur publie demande des frais (APC), le WT les prend en charge ; dans ce cas la licence CC-BY est impérative et par ailleurs l’éditeur doit déposer l’article dans PMC et Europe PMC. Cette obligation de dépôt touche également les monographies et les chapitres de livres avec le dépôt dans PMC Bookshelf et Europe PMC ; les mêmes délais s’appliquent. En cas de non-suivi de la politique, des sanctions financières sont appliquées et les documents non conformes à cette politique ne sont pas pris en compte.

FAQ pour les auteurs

[bleu]Union européenne[/bleu]

La Commission européenne (2013), dans l’article 29 du modèle de convention de subvention du programme Horizon 2020, fait obligation générale de diffuser les résultats de recherche pour tout bénéficiaire de financement. Celui-ci doit assurer un accès libre et gratuit à toutes les publications scientifiques évaluées par les pairs – manuscrit final ou version éditeur – et à leurs métadonnées, en les déposant immédiatement dans une archive ouverte. Leur accès doit être libre au plus tard dans les 6 mois suivant la publication pour les domaines STM et les 12 mois pour les domaines SHS. L’accès peut être au moment de la publication, si l’éditeur le permet ou si le chercheur a publié dans une revue offrant le libre accès ; si l’éditeur demande des frais pour publier (APC), ceux-ci sont éligibles au remboursement. Pour les données, l’obligation ne concerne, pour la période 2014-2015, que les projets appartenant à certaines lignes d’action du programme H2020. Les données, nécessaires à la validation des résultats des publications et les métadonnées associées, doivent être déposées le plus tôt possible dans un réservoir.

Modèle général de convention de subvention

Lignes directrices

Obligations institutionnelles

[bleu]France[/bleu]

Inria (2013) a institué une obligation de dépôt pour toutes ses publications, afin que seuls les articles présents en texte intégral dans le portail HAL-Inria soient pris en compte pour les rapports d’activités de ses équipes de recherche.

L’Ifremer (2010) a mis en place une obligation de dépôt pour les publications ainsi que pour la littérature grise (rapports, comptes rendus…). La dernière version auteur des publications devra être déposée dès son acceptation dans l’archive institutionnelle, Archimer.

Incitations – Soutiens

[bleu]Chine[/bleu]

L’Académie chinoise des sciences (2014) demande que tous les articles résultant de financement public soient déposés dans l’archive ouverte de l’institution dont dépend le chercheur ; ils doivent être librement accessibles dans les 12 mois suivant la publication. Elle apporte un soutien à la publication dans des revues en libre accès demandant des frais de publication raisonnables.

La Fondation nationale des sciences naturelles de Chine (2014) demande aux chercheurs, dont elle soutient financièrement les travaux totalement ou partiellement, de déposer leurs articles évalués par les pairs dans son archive ouverte ; ils doivent être librement accessibles dans les 12 mois suivant la publication.

[bleu]Europe[/bleu]

Science Europe (2013), dans sa prise de position, énonce des principes qui permettront d’assurer la transition vers le Libre accès des résultats des recherches financées par des fonds publics. Les organismes-membres préconisent que les publications soient librement accessibles, par un dépôt dans une archive ouverte ou par une publication dans une revue en libre accès, dans les 6 mois pour les domaines STM et 12 mois pour les SHS après leur parution. Ils exigent que le financement des frais de publication se fasse dans la transparence avec une représentation claire des coûts des prestations éditoriales. Ils demandent aux éditeurs d’appliquer des réductions du prix des abonnements à leurs revues qui tiennent compte de l’augmentation des contributions payées par les auteurs ou les institutions. Ils soulignent que le modèle hybride n’est pas un modèle viable pour parvenir au Libre accès.

[bleu]France[/bleu]

L’ANR (2007) demande que « dans le respect des règles relatives à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et propriété industrielle), et des règles de confidentialité inhérentes à des recherches, toutes les publications consécutives aux projets financés par elle soient d’ores et déjà intégrées par les chercheurs au système d’archives ouvertes HAL avec lequel elle collaborera ».

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (janvier 2013) – Dans un discours, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche déclare que « l’information scientifique est un bien commun qui doit être disponible pour tous ». Elle déclare également que « le gouvernement français réaffirme son soutien au principe du libre accès à l’information scientifique » et qu’il renouvèle sans équivoque son soutien aux archives ouvertes. Pour ce faire, l’archive ouverte nationale HAL est relancée, en lien avec les archives ouvertes institutionnelles. Cette relance prendra la forme d’un nouveau protocole, avec un pilotage mixte à travers une U.M.S. « La deuxième déclinaison d’Open Access, c’est le Gold, la voie dorée… Ce modèle suppose aussi, pour être mis en œuvre, un mode de financement nouveau, par les agences de moyens ou par les ententes en amont entre institutions. »

[bleu]Union européenne[/bleu]

La Commission européenne (2012) recommande aux États membres de l’Union européenne (UE) de définir des politiques claires concernant l’accès et la conservation des informations scientifiques issues de la recherche financée par des fonds publics. Elles portent sur le libre accès aux publications scientifiques et aux données de la recherche. Les États doivent veiller à ce que « les publications soient librement accessibles dans les meilleurs délais, de préférence immédiatement et, dans tous les cas, au plus tard six mois après leur date de publication, et au plus tard douze mois pour les publications dans les domaines des sciences sociales et humaines ». Ils doivent aussi veiller à ce que les données de la recherche « deviennent accessibles, utilisables et réutilisables par le public au moyen d’infrastructures électroniques ». La recommandation porte également sur la conservation et la réutilisation des informations scientifiques, sur les infrastructures électroniques, sur le dialogue multilatéral aux niveaux national, européen et international, et enfin sur la coordination structurée des États membres à l’échelle de l’UE et le suivi de la recommandation.

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