Rapport de la table ronde sur l’édition savante
«~Report and Recommendations from the Scholarly Publishing Roundtable~», publié en janvier 2010, a été commandité par le Comité pour la science et la technologie de la Chambre des Représentants, avec la collaboration de l’OSTP (Office of Science and Technology) de la Maison-Blanche. Cette étude dresse un état de l’art de la publication scientifique et émet des principes qui doivent sous-tendre son évolution. Elle propose également des recommandations pour augmenter l’accès aux articles des revues scientifiques issus de recherches financées par des agences gouvernementales.
La synthèse du rapport a été traduite en français par le Service de traduction de l’INIST-CNRS.
En juin 2009, la Commission pour les sciences et les technologies (Committee on Science and Technology) de la Chambre des représentants des États-Unis, en association avec l’Office de la politique scientifique et technologique (Office of Science and Technology Policy – OSTP) de la Maison-Blanche, a organisé une table ronde sur l’édition savante (Scholarly Publishing Roundtable) pour que soit examinée la situation actuelle de l’édition savante et pour élaborer un consensus autour de recommandations visant le déploiement d’un accès public aux articles de revues issus de travaux de recherche financés par les agences du gouvernement américain. Cette commission a convié un certains nombre de personnes à participer à cette table ronde, identifiées parmi les parties prenantes importantes pour ce débat. Elle leur a demandé de dégager un consensus, concernant l’accès aux résultats de la recherche recevant des fonds fédéraux et leur préservation, qui réponde aux besoins de toutes les parties.
Parmi les membres de cette table ronde figuraient des personnalités venant de l’administration d’universités (trois doyens et un responsable d’association) et des bibliothèques universitaires (trois bibliothécaires), des éditeurs de revues scientifiques (deux sociétés savantes éditrices, et une maison d’édition commerciale ayant pignon sur rue proposant un éventail de modèles économiques et une venant d’une jeune pousse du libre accès innovante et ayant fait ses preuves), ainsi que trois chercheurs dans le domaine des sciences de l’information et de la documentation. Il était demandé aux membres de la table ronde de s’impliquer en tant qu’experts plus qu’en tant que représentants de leurs organismes, et de conserver la confidentialité de leurs discussions tout en œuvrant pour des échanges ouverts et loyaux.
PRINCIPES COMMUNS
Après avoir reconnu les progrès déjà accomplis dans le développement de l’accès à la littérature savante, la table ronde a débuté ses travaux par la définition d’un ensemble de principes, que tous les membres en présence partagent, et qui devraient continuer à sous-tendre l’évolution souhaitable de l’édition savante. Ces principes sont les suivants :
1) L’évaluation par les pairs doit conserver son rôle essentiel pour préserver l’intégrité de qualité élevée de l’information publiée.
2) Des modèles économiques adaptables seront nécessaires pour que cette activité perdure dans un paysage en évolution.
3) Les publications savantes et scientifiques peuvent, et doivent, être plus largement accessibles à un public élargi et à la communauté de la recherche, avec des fonctionnalités améliorées.
4) Des activités pérennes d’archivage et de préservation sont un complément essentiel à la fiabilité des méthodes d’édition.
5) Il est nécessaire que les résultats de la recherche soient publiés et conservés de façon à augmenter au maximum les possibilités d’une réutilisation créative et l’interopérabilité entre les sites qui les hébergent.
L’implication envers ces principes étant partagée par les participants à la table ronde, celle-ci a produit un consensus autour des recommandations qui suivent.
RECOMMANDATIONS
La table ronde énonce cette recommandation essentielle :
Chaque agence fédérale doit élaborer et appliquer à la fois rapidement et avec soin une politique d’accès explicitement ouvert au public qui débouche sur un accès gratuit aux résultats des recherches qu’elle finance le plus tôt possible après leur publication dans une revue pratiquant l’évaluation par les pairs.
Cet objectif d’accès public peut être réalisé de différentes façons : certaines agences peuvent choisir de créer et de faire fonctionner des bases de données centralisées ; d’autres peuvent opter pour une collaboration avec des bibliothèques d’universités, un ou plusieurs éditeurs ou d’autres partenaires extérieurs pour mettre en place des bases de données centralisées ou distribuées contenant des articles de revues issus des recherches qu’elles financent. L’Office de la politique scientifique et technologique (OSTP) devrait assurer la direction dans la création et la mise en œuvre de ce programme, qui devrait être autorisé dans ses caractéristiques et objectifs par une réglementation ou une loi. Ce programme devrait définir des caractéristiques de base qui favoriseront l’interopérabilité entre toutes les bases de données d’accès public. Ce programme devrait également apporter la souplesse nécessaire pour tenir compte des besoins spécifiques à chaque agence et la capacité à évoluer dans le temps pour s’adapter à la nature rapidement évolutive de l’édition savante. Pour la mise en œuvre de ce principe fondamental, la table ronde propose les recommandations supplémentaires suivantes :
1) Les agences doivent coopérer par une consultation pleinement ouverte avec toutes les parties prenantes, ainsi qu’avec l’OSTP, pour élaborer leurs politiques d’accès au public.
2) Les agences devraient pratiquer des périodes d’embargo spécifiques entre la publication et l’accès au public. Une période d’embargo entre zéro (pour les revues en libre accès) et douze mois correspond actuellement à cet équilibre pour beaucoup de disciplines scientifiques. Pour d’autres domaines, une période d’embargo plus longue peut être nécessaire.
3) Les politiques doivent être guidées par la nécessité de permettre l’interopérabilité. L’OSTP doit travailler avec les agences pour faciliter la coopération entre agences et, entre celles-ci et les parties prenantes pour mettre au point des standards viables concernant la structure du texte intégral et des métadonnées, des outils de navigation, et d’autres applications pour réaliser une interopérabilité de toute la littérature, en tenant compte des standards internationaux. L’OSTP doit coopérer avec les agences qui possèdent des programmes de cyberinfrastructure pour élaborer des programmes inter-agences en soutien des travaux de recherche et de développement pour élargir les capacités d’interopérabilité.
4) Tout doit être fait pour que la version mise gratuitement à disposition soit la version de dépôt (version of record ou VoR). Si la version de dépôt n’est pas placée dans une base de données d’accès public, la version ou la référence de l’article qu’elle contient doit comporter des liens renvoyant vers la version de dépôt qui se trouve sur le site de l’éditeur.
5) Les agences gouvernementales devraient élargir la portée de leurs politiques d’accès public grâce à des collaborations volontaires avec des parties prenantes non gouvernementales. Pour que les bases de données publiquement accessibles et interopérables atteignent leur potentiel entier, le programme d’accès public inter-agence recommandé doit être élargi à des collaborations volontaires avec des éditeurs, des universités, et d’autres organismes qui gèrent les résultats de la recherche, aux États-Unis comme en dehors.
6) Les politiques gouvernementales d’accès public doivent encourager l’innovation dans l’utilisation scientifique et pédagogique des publications savantes.
7) Les politiques doivent prendre en charge la nécessité de résoudre les difficultés de la préservation numérique à long terme.
8) L’OSTP doit créer un comité consultatif pour l’accès public. Dans le but de mettre en place un système d’évaluation périodique du paysage de l’édition savante en rapide évolution de l’édition savante, et de disposer d’un espace où discuter des adaptations à opérer dans les politiques d’accès public des agences dans ce contexte évolutif, l’OSTP doit créer un comité consultatif en charge de réaliser périodiquement une évaluation indépendante des politiques et des pratiques de ces agences en matière d’accès public.
Les recommandations de la table ronde tentent d’établir un équilibre entre le besoin et les potentialités d’un accès accru aux articles savants et le besoin de préserver les fonctions essentielles de l’activité d’édition savante. La table ronde invite instamment les éditeurs, bibliothécaires, universitaires et enseignants-chercheurs à considérer ces recommandations comme la création d’un environnement propre à dépasser une décennie de débats par trop envenimés sur les questions d’accès et propre à jeter les bases d’une collaboration avec les agences fédérales finançant la recherche. Tout cela en vue de bâtir un système d’édition interdépendant qui développe l’accès public et améliore l’utilisation large et intelligente des résultats de la recherche financée au niveau fédéral.