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Traduction française du projet de loi allemande modifiant le droit d’auteur

Publié le 18 mars 2013  par Thérèse Hameau

Le projet de loi « Entwurf eines Gesetzes zur Nutzung verwaister Werke und zu weiteren Änderungen des Urheberrechtsgesetzes und des Urheberrechtswahrnehmungsgesetzes » a été proposé en février 2013 par le ministère de la Justice. Il concerne un aménagement du droit d’auteur dans le domaine de la communication scientifique via un amendement de la loi allemande sur le droit d’auteur (Urheberrechtsgesetz) du 9 septembre 1965.

Le service de traduction de l’Inist-Cnrs a assuré la traduction en français des passages du texte du projet qui sont parmi les plus éclairants.

Article 1

3. L’alinéa 38 est modifié comme suit :

a) Dans le paragraphe 1, phrase 1, les termes « reproduction et diffusion » sont remplacés par les termes « reproduction, diffusion et mise à disposition publique »

b) Le paragraphe 4 suivant est ajouté :

„(4) L’auteur d’une contribution savante, née d’une activité d’enseignement ou de recherche financée au moins pour moitié par des ressources publiques et publiée dans une collection périodique paraissant au moins deux fois par an, est en droit, même lorsqu’il a cédé un droit d’exploitation exclusif à l’éditeur, de rendre publiquement accessible cette contribution dans la version acceptée du manuscrit, après un délai de douze mois suivant sa première publication, toute fin commerciale étant exclue. La source de la première publication doit être indiquée. Un accord dérogatoire au détriment de l’auteur est sans effet.“

Exposé des motifs

A. Généralités

2. Introduction d’un droit d’exploitation secondaire et adaptation au développement technique de l’alinéa 38 de la loi sur le droit d’auteur

L’Internet et la numérisation ont révolutionné l’accès aux connaissances et leur diffusion et en ont fait drastiquement baisser les coûts. Que les connaissances puissent ainsi circuler sans entrave constitue une condition fondamentale pour une recherche innovante et pour le transfert des résultats vers des produits et des prestations de service. Seule la libre disponibilité des résultats de la recherche peut servir d’appui à de nouvelles activités de recherche et ainsi entraîner les effets économiques généraux qui leurs sont liés. La recherche n’est donc pas une finalité en soi. Dans un environnement de concurrence globale, les connaissances sont un facteur décisif. Une forte capacité d’innovation n’est pas pensable sans un système scientifique productif et un transfert des connaissances efficace.

Les potentialités de l’Internet pour la société numérique de la connaissance ne se sont pas encore totalement déployées. Les conditions d’encadrement du droit d’auteur peuvent en effet freiner l’innovation, voire l’empêcher, si des contenus protégés par le droit d’auteur ne sont pas disponibles pour poursuivre d’autres activités de recherche et ne peuvent ainsi déboucher sur d’autres innovations.

Le marché des publications scientifiques est dominé par un petit nombre de grands éditeurs scientifiques. En raison de la puissance importante sur le marché de l’offre de quelques acteurs, la situation entre les auteurs et les éditeurs est à bien des points de vue asymétrique : ce sont les éditeurs qui dictent aux auteurs les conditions de la publication. Actuellement, les auteurs d’articles scientifiques cèdent donc dans bien des cas aux maisons d’édition scientifique des droits d’exploitation commerciale exclusifs sur leurs contributions. C’est ainsi que ces éditeurs disposent seuls du droit de mettre ces contenus à disposition sur les média en ligne ; en mettant en place des dispositifs techniques de protection ils contrôlent l’accès à ces contenus. Dans la mesure où les éditeurs scientifiques fournissent des contenus qui sont indispensables pour la science et la recherche, ces contenus peuvent être frappés de prix arbitrairement élevés. Il en ressort que depuis le milieu des années 1990, les prix des revues dans les domaines des sciences de la nature, de la technologie et de la médecine ont fortement augmentés, alors que les budgets des bibliothèques stagnent ou reculent. Dans les activités de l’enseignement et de la recherche, largement financées par des fonds publics, cela veut dire que les résultats des recherches payés par l’impôt doivent être repayés par les pouvoirs publics sous forme de rémunérations à l’avenant au profit des éditeurs scientifiques pour que d’autres travaux de recherche puissent se poursuivre.

Dans ce contexte, il faut tenir compte, que les établissements de l’enseignement supérieur, en vertu de l’alinéa 2 paragraphe 7 de la Loi cadre sur l’enseignement supérieur (Hochschulrahmengesetz – HRG) tout comme dans les dispositions des législations des États-régions dans ce domaine sont également investis d’une mission de transfert des connaissances. C’est pourquoi les bailleurs de fonds des établissements supérieurs et des organismes de recherche ressentent l’intérêt élémentaire de mettre les connaissances scientifiques générées grâce à un investissement conséquent alimenté par l’impôt à la disposition d’un public scientifique large et d’améliorer la diffusion des résultats de la recherche.

Les institutions et des associations scientifiques revendiquent pour cette raison un droit d’exploitation secondaire inconditionnel et légal pour augmenter la compatibilité du droit d’auteur avec l’innovation. Cela offrirait aux auteurs scientifiques l’assurance juridique pressante de pouvoir publier leurs écrits (secondairement) en passant par le Libre accès (Open Access).

Par cette proposition d’un droit d’exploitation secondaire pour les auteurs de contributions scientifiques, produites dans le cadre d’une activité d’enseignement et de recherche financée au moins pour moitié avec des moyens publics, les conditions légales encadrant un accès si possible libre à des informations scientifiques seraient améliorées. Les dispositions proposées, qui définissent pour l’auteur un droit d’exploitation secondaire, sans le contraindre à une telle exploitation, renforcent sa position. Beaucoup de scientifiques ont intérêt à rendre accessible à un public (spécialisé) plus large leurs résultats de recherche publiés. Ils souhaitent en déposant leurs publications dans les archives de leurs institutions de recherche augmenter la fréquence avec laquelle celles-ci sont citées. En parallèle, en offrant leurs contenus sur Internet, ils veulent également améliorer la diffusion des résultats. Les dispositions proposées sauvegardent la position des scientifiques protégées par les libertés publiques en s’appuyant sur les articles 5 paragraphe 3, 14 paragraphe 1 de la Constitution pour ce qui concerne les droits contractuels des auteurs.

Des considérations purement pratiques militent également en faveur d’un droit d’exploitation secondaire : les auteurs sont perdus dans ce contexte aux pratiques disparates des maisons d’édition, et en raison des conditions commerciales relativement complexes des contrats d’édition en matière de droit d’auteur, pour savoir si, et dans quelles conditions concrètes de chacun de ces éditeurs, ceux-ci leur reconnaissent un droit d’exploitation secondaire. Devoir s’en informer ou interroger l’éditeur est ressenti comme une perte de temps de plus trop importante. Ainsi, la proposition législative instaure une garantie juridique : les auteurs comme les institutions scientifiques auront ainsi l’assurance qu’à un moment donné l’auteur a le droit d’autoriser la mise à disposition au public de la contribution qu’il a écrite. De la sorte, l’accès libre aux informations scientifiques sera également encouragé.

Cette proposition prend également en compte l’intérêt légitime des éditeurs de manière juste, dans la mesure où elle limite le domaine d’application du droit d’exploitation secondaire aux contributions scientifiques issues de collections paraissant périodiquement au minimum deux fois dans l’année et garantit un amortissement des investissements de l’éditeur grâce à un délai raisonnablement long fixé à 12 mois après la parution initiale. De plus, seule une mise à disposition au public à des fins non-commerciales est autorisée. La source de la parution initiale doit toujours être indiquée pour respecter les intérêts de l’éditeur et la parution secondaire doit être effectuée uniquement dans le format de la version du manuscrit accepté.

La présente proposition de réglementation suit une recommandation du Conseil fédéral (Bundesrat) du 2 octobre 2012 en faveur d’une proposition en vue d’une septième loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur de 2012 (Journal officiel 514/1/12, p. 2 ss.), qui fait écho à une proposition réglementaire que le Conseil fédéral avait proposé à l’occasion du projet de loi du gouvernement visant une deuxième législation sur l’organisation du droit d’auteur dans la société de l’information (Document parlementaire du Bundestag 16/1828, p. 39).

L’instauration du droit d’exploitation secondaire met en place une organisation du droit d’auteur contractuelle sans que celle-ci introduise des dispositions déclarant comme licite une exploitation de l’œuvre par la loi. Plus exactement, la décision quant à la cession des droits continue à relever de l’auteur lui-même conformément aux préconisations juridiques européennes.

De plus, le premier paragraphe de l’alinéa est adapté à l’évolution technologique. Le complément proposé étend les règles d’interprétation du paragraphe 1 de cet alinéa 38 pour que l’auteur en cas de doute concède non seulement à l’éditeur un droit exclusif d’exploitation pour la reproduction et la diffusion, mais aussi un droit de mise à la disposition du public. En conséquence de cette modification, la deuxième phrase, qui comporte une règle d’interprétation au profit des droits de l’auteur, est complétée sur ce point, en ce sens qu’au bout d’une année celui-ci jouisse du droit de mise à disposition du public, sauf convention contraire.

B. Exposé détaillé des dispositions

Concernant le paragraphe 4 de l’alinéa 38 :

Grâce aux dispositions de la proposition, l’auteur d’une contribution scientifique majoritairement financée par des fonds publics reçoit un droit d’exploitation secondaire inconditionnel, en l’occurrence, le droit de rendre sa contribution à nouveau accessible au public. Selon la première phrase, cela est possible si la contribution résulte d’une activité d’enseignement et de recherche financée au moins pour moitié grâce à des moyens financiers publics. Ces dispositions tiennent équitablement compte des intérêts des éditeurs. Selon cette phrase 1, le champ d’application de ce droit d’exploitation secondaire se limite à des contributions paraissant dans des collections de périodiques au sens du paragraphe 1 de l’alinéa 38. Cette disposition ne vise que ce que l’on appelle la crise des publications, qui se manifeste essentiellement dans le domaine des revues scientifiques. C’est ainsi que, dans l’intérêt des éditeurs, les monographies, en série ou non, les manuels et les commentaires sortent de l’emprise du droit d’exploitation secondaire. De la sorte, les dispositions proposées profiteraient aux institutions scientifiques non commerciales (universités, organismes de recherche) et leurs entrepôts d’archivage.

De plus, le droit d’exploitation secondaire n’apparaît que 12 mois après la parution initiale. L’attractivité des revues scientifiques est donc de fait maintenue du point de vue de la phrase 1 fixant ce délai de 12 mois. Ce délai d’une durée suffisamment longue garantit aux éditeurs la possibilité d’amortir leurs investissements. La prise en compte des intérêts des éditeurs quant à l’amortissement des investissements consentis est par ailleurs renforcée par une restriction aux périodiques qui paraissent au moins deux fois par an.

De plus, selon la phrase 1, seule la légalité d’un droit d’exploitation secondaire sur la version du manuscrit accepté pour publication par l’éditeur est reconnue. On évite ainsi que cette publication secondaire s’effectue dans la version de l’éditeur et donc sous sa forme de première mise en circulation. Ajoutons que la mise à disposition publique n’est possible qu’à des fins non commerciales.
À la différence du sens accordé à la notion de commerce par le droit commercial et fiscal, la mise à disposition dite « à de fins commerciales » couvre toute mise en circulation qui de façon indirecte ou directe sert à faire rentrer de l’argent, tout comme toute celle liée à une activité commerçante.

L’intérêt des éditeurs est encore pris en compte par le fait que la deuxième phrase dispose que la source de première publication doit être indiquée lors de cette exploitation secondaire. Les parties intéressées gardent la possibilité de s’entendre sur les modalités techniques de cette mention de la source.

Un accord s’écartant du paragraphe 4 de l’alinéa 38 au détriment de l’auteur est illicite. La phrase 3 stipule, pour clarifier les choses juridiquement et que ce renforcement de la position des auteurs soit assuré dans les contrats de droits d’auteurs, que le droit d’exploitation secondaire est un droit inaliénable de l’auteur. A l’inverse, les accords dérogatoires à l’avantage de l’auteur restent valables.

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